Incitation à l’investissement au Gabon : “la résidence permanente ne suffit pas”

L’annonce du gouvernement gabonais d’accorder une carte de résident permanent de dix ans à tout investisseur injectant au moins dix milliards de francs CFA continue de susciter de vifs débats. Présentée comme une mesure d’attractivité économique, cette initiative s’inscrit dans une stratégie visant à repositionner le Gabon comme une destination de confiance pour les capitaux étrangers. Mais au-delà du symbole, une question persiste : une carte de séjour, fût-elle de longue durée, suffit-elle réellement à convaincre des investisseurs de mobiliser de tels montants dans un contexte encore fragile ?

Une mesure ambitieuse, mais insuffisante à elle seule

L’expérience internationale montre que les dispositifs de « résidence par investissement » peuvent effectivement avoir un effet d’appel. Le Portugal, par exemple, a instauré dès 2012 son fameux visa doré, permettant aux étrangers investissant au moins 500 000 euros dans l’immobilier d’obtenir un titre de séjour. En une décennie, ce programme a attiré plus de 6,5 milliards d’euros d’investissements directs, principalement dans le secteur immobilier et touristique.
De même, les Émirats arabes unis ont misé sur un dispositif similaire pour dynamiser Dubaï, aujourd’hui devenu un hub économique mondial grâce à une combinaison d’avantages fiscaux, de stabilité réglementaire et d’infrastructures de pointe. Ces politiques ont non seulement attiré des entrepreneurs, mais aussi favorisé la création d’emplois et la diversification des économies locales.

Toutefois, ces exemples révèlent une vérité incontournable : ce ne sont pas les cartes de séjour qui attirent les capitaux, mais les écosystèmes économiques dans lesquels elles s’inscrivent. Les investisseurs recherchent avant tout un cadre juridique clair et stable, une justice indépendante, des règles fiscales prévisibles et une administration efficace. C’est la confiance dans les institutions, plus que les incitations symboliques, qui détermine l’attractivité réelle d’un pays.

Les défis structurels du climat des affaires au Gabon

Or, au Gabon, les observateurs pointent depuis plusieurs années les mêmes obstacles : lourdeurs administratives persistantes, parafiscalité excessive, réseaux d’intérêts opaques et imprévisibilité des décisions économiques. Autant de freins qui compromettent la confiance des investisseurs, déjà échaudés par l’instabilité politique et la lenteur des réformes structurelles.
Selon le dernier rapport Doing Business de la Banque mondiale, avant sa suspension, le Gabon figurait encore parmi les pays où la création d’entreprise reste longue et coûteuse. Si des progrès ont été réalisés dans la digitalisation de certains services administratifs, beaucoup dénoncent une bureaucratie encore trop pesante pour soutenir efficacement l’investissement privé.

Pour Lionel Giovani Boulingui, homme politique gabonais et figure parmi les sceptiques de cette mesure, le diagnostic est clair :
« Ce n’est pas une carte de séjour qui attire des milliards, mais la bonne gouvernance, la transparence et la sécurité juridique. »

Un signal politique fort, mais à consolider

En d’autres termes, la décision du Conseil des ministres du 23 octobre 2025 représente certes un signal politique fort, mais elle ne saurait porter ses fruits sans un environnement plus favorable à l’investissement productif.
Pour espérer rivaliser avec des destinations africaines déjà attractives comme Maurice, le Rwanda ou le Maroc, le Gabon devra garantir la stabilité des règles du jeu, simplifier ses procédures, sécuriser les droits de propriété et offrir une véritable liberté d’entreprendre.

Le pays dispose pourtant d’atouts indéniables : une richesse naturelle considérable, une position géographique stratégique au cœur du Golfe de Guinée, et une population jeune en quête d’opportunités. Mais ces atouts doivent être soutenus par une vision économique claire, fondée sur la diversification, l’innovation et la transparence.

La réussite de cette initiative dépendra donc moins de la carte de résident permanent que de la crédibilité des institutions et de la capacité des nouvelles autorités à instaurer un climat de confiance durable.
Pour transformer cette incitation symbolique en véritable levier de développement, le Gabon devra mener une diplomatie économique plus offensive, renforcer la sécurité juridique des investisseurs et améliorer la gouvernance publique.

En définitive, cette mesure peut constituer une première pierre vers une économie ouverte et compétitive, à condition qu’elle s’accompagne de réformes profondes. Sans cela, elle risque de rester un outil d’affichage plus qu’un moteur réel d’investissement.