Fiscalité et économie informelle : le Gabon à la croisée des chemins

Lors du Gabon Economic Forum, Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, directeur général de la dette, a lancé un appel vibrant à une réforme fiscale audacieuse, en phase avec les réalités socio-économiques du pays. Son plaidoyer s’est articulé autour d’un constat sans détour : une grande partie de l’économie gabonaise échappe à l’impôt, privant l’État de ressources vitales pour son développement.

Selon Ntoutoume Ayi, le taux de pression fiscale — c’est-à-dire le poids des impôts dans le pays — serait inférieur à 15 %, bien en deçà des standards régionaux (17 % du PIB non pétrolier ; en France, par exemple, il atteint 45 % en 2023). Cette faiblesse ne reflète pas une fiscalité légère, mais plutôt une répartition inéquitable : « Un petit nombre d’entreprises vertueuses supportent la charge fiscale de tout le pays, pendant qu’une large frange de l’économie évolue hors radar », a-t-il affirmé.

Le repère qu’il cite est parlant : la CNSS n’enregistre que 80 000 à 120 000 travailleurs du secteur privé, alors que plus de 1,2 million de Gabonais ont plus de 20 ans et sont potentiellement actifs. Ce décalage illustre l’ampleur de l’économie informelle, souvent qualifiée de « noire », qui regorge pourtant d’activités génératrices de revenus.

Une fiscalité à réinventer

Pour élargir l’assiette fiscale, Ntoutoume Ayi propose de sortir du cadre classique hérité du modèle français. Il invite à observer les réalités locales : « Il y a plus de Gabonais qui possèdent un téléphone portable qu’une carte d’identité. Tout le monde ou presque a un compteur Edan. Voilà des pistes à explorer. »
Autrement dit, un appel à une réforme profonde de l’économie informelle, fondée sur la traçabilité, la justice fiscale et l’inclusion.

Cette approche pragmatique rejoint les recommandations du Forum, qui prône une digitalisation du secteur informel et une refonte du code fiscal pour mieux capter les flux économiques invisibles. En 2022, seulement 37,1 % des entreprises étaient formellement enregistrées, selon la Direction Générale de la Statistique.

La question est d’autant plus actuelle que, selon le ministre de l’Économie et des Finances, Henri Claude Oyima, le Gabon vise une croissance à deux chiffres dès l’année 2026-actuellement à 2,6 %- alors qu’un grand nombre de prévisions d’institutions internationales jugent cette projection irréaliste.