
Risque de chevauchements institutionnels : La CAA et la DGD en quête d’équilibre
- Le corporate
- 14 avril 2025
- Editorial
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Annoncé par le gouvernement gabonais le mois dernier, la création de la Caisse Autonome d’Amortissement (CAA) représente une avancée ambitieuse pour l’économie nationale, en répondant aux dysfonctionnements observés dans la gestion de la dette. Toutefois, cette réforme soulève une interrogation centrale : comment assurer une coordination optimale entre les nouvelles missions de la CAA et celles de la Direction Générale de la Dette (DGD), acteur historique de la stratégie d’endettement au Gabon ?
Traditionnellement dédiée à la planification stratégique et à la négociation des emprunts, la DGD a vu ses responsabilités s’étendre à l’analyse macroéconomique et à la gestion globale des engagements financiers. Parallèlement, la CAA se verra semble-t-il confier l’exécution des paiements et la gestion précise des flux de décaissements liés au remboursement de la dette. Cette répartition des rôles, bien qu’utile sur le papier, semble brouiller les contours fonctionnels de la DGD, puisque la programmation des remboursements et la supervision des paiements risquent d’interférer avec les décisions stratégiques, générant ainsi des zones potentielles de chevauchement.
La gestion des flux financiers constitue un autre domaine de croisement. Tandis que la DGD se concentre sur l’évaluation des risques et la coordination de la gestion financière globale, la CAA interviendra sûrement directement dans les décaissements et le suivi des paiements. Ce doublement des tâches pourrait entraîner des redondances, susceptibles d’alourdir les processus décisionnels et de compromettre la réactivité de l’action publique.
À l’échelle internationale, la DGD, par ses relations stratégiques avec des institutions comme le Fonds Monétaire International (FMI) et d’autres créanciers, joue un rôle crucial. Cependant, la CAA, en quête de crédibilité auprès des bailleurs de fonds, pourrait devenir un interlocuteur direct, brouillant les rôles et impactant la cohérence des messages diffusés à l’international.
Parmi les risques identifiés, l’inefficacité opérationnelle semble prédominante. Une gestion mal coordonnée des responsabilités institutionnelles peut engendrer une dilution du pouvoir décisionnel et entacher la crédibilité auprès des partenaires internationaux, attachés à la transparence et à la rigueur de la gouvernance financière.
Dans un contexte où les défis budgétaires sont de plus en plus stratégiques pour le Gabon, il devient crucial de clarifier ces ambiguïtés afin d’éviter toute dérive pouvant affecter la notation de la dette et la confiance des investisseurs.
Pour répondre à ces enjeux, plusieurs pistes de régulation et de coopération se dessinent. Premièrement, une définition claire des attributions respectives de la CAA et de la DGD, soutenue par des textes réglementaires structurants, pourrait limiter la confusion institutionnelle. Deuxièmement, la mise en place d’un mécanisme de dialogue régulier – tel qu’un comité de coordination –, ainsi que le développement d’un système d’information intégré et partagé, s’imposent pour fluidifier les échanges et garantir une communication cohérente. Enfin, des programmes de formation commune pourraient aligner les pratiques des équipes et renforcer leur sentiment d’appartenance à une mission collective dédiée à la gestion exemplaire de la dette publique.
En conclusion, la création de la CAA marquera une étape prometteuse dans la modernisation de la gestion de la dette au Gabon, à condition qu’elle s’inscrive dans une logique de complémentarité avec la DGD. La réussite de cette réforme repose sur une délimitation précise des rôles, une coordination efficace et la mise en place de synergies opérationnelles, afin de construire un système de gestion de la dette à la hauteur des ambitions économiques du pays.