Lois de finances du Gabon : Entre prévisions optimistes et réalité budgétaire, une rupture nécessaire ?

Depuis sa prise de fonctions à la tête du ministère de l’Économie et des Finances en mai 2025, Henri-Claude Oyima a initié un changement notable dans le discours budgétaire : orienter les finances publiques vers davantage de réalisme. Cette orientation, qui s’inscrit dans une dynamique de réforme, ouvre un débat important sur l’évolution du cadre budgétaire et la nécessité d’adapter les choix financiers aux réalités économiques du pays.

Une trajectoire budgétaire sous tension

Les exercices 2022, 2023 et 2024 mettent en évidence certains désajustements entre prévisions et exécutions, soulignant des défis persistants en matière de planification, de mobilisation des ressources et de gestion des dépenses. Dans ce contexte, l’enjeu est d’assurer une trajectoire plus soutenable des finances publiques.

Une dépendance croissante aux financements

L’évolution des besoins de financement de l’État témoigne d’une pression grandissante sur l’endettement, notamment :
• 960 milliards FCFA en 2022
• 1 152,9 milliards FCFA en 2023 (+20 %)
• 1 327,1 milliards FCFA en 2024 (+15 %)

Cette progression souligne l’importance d’une stratégie d’endettement plus sélective et orientée vers des projets à forte valeur ajoutée pour l’économie nationale.

Des recettes à consolider

Les recettes budgétaires ont progressé (de 2 239 milliards FCFA en 2022 à 2 729,7 milliards FCFA en 2024), mais cette hausse reste modeste au regard de l’évolution des charges. Le recours à des hypothèses macroéconomiques prudentes devient dès lors crucial pour renforcer la crédibilité des prévisions et assurer une mobilisation optimale des ressources.

Maîtriser la dynamique des dépenses

Après une relative stabilité en 2022 et 2023, les dépenses ont connu une accélération en 2024 (2 568,8 milliards FCFA, soit +20,9 %). Cette hausse reflète les efforts de l’État pour répondre à des besoins prioritaires, mais elle invite aussi à renforcer les mécanismes d’arbitrage, d’efficacité de la dépense et de suivi de l’exécution budgétaire.

Les charges de la dette, quant à elles, ont augmenté significativement :
• 357 milliards FCFA en 2023
• Près de 1 488 milliards projetés pour 2024

D’où la nécessité de concilier financement des priorités et soutenabilité de la dette.

Vers une gouvernance budgétaire plus lisible

L’analyse des soldes budgétaires montre que les excédents apparents peuvent masquer certaines vulnérabilités une fois les charges financières prises en compte. Ces éléments plaident pour un renforcement de la transparence, de la coordination budgétaire et du dialogue avec les partenaires techniques et financiers.

Une réforme budgétaire à valeur ajoutée

Dans ce contexte, l’approche portée par le ministre Henri-Claude Oyima s’inscrit dans une volonté de modernisation du pilotage budgétaire. Elle repose sur des principes de rigueur, d’efficience et de réalisme, en cohérence avec les bonnes pratiques internationales et les engagements du Gabon en matière de gouvernance économique.

Des leviers d’action concrets

Parmi les pistes à explorer :
• L’ajustement des hypothèses macroéconomiques aux réalités du moment
• La rationalisation de l’endettement, en priorisant les projets structurants
• Le renforcement du ciblage des investissements publics
• L’amélioration des dispositifs de suivi et d’évaluation de l’action budgétaire

Conclusion : Une gouvernance budgétaire tournée vers l’avenir

Le réalisme budgétaire n’est pas une fin en soi, mais un levier pour renforcer la souveraineté économique du Gabon. En consolidant ses fondations financières, l’État se dote des moyens pour mieux accompagner la transformation structurelle du pays. Le cap fixé par le ministre Oyima s’inscrit ainsi dans une démarche de progrès, au service d’une vision budgétaire plus cohérente, transparente et responsable.

Économiste-Financier
Expertise en Finances Publiques et développement